Le gouvernement a annoncé ce 15 mars qu’il reconduisait le dispositif de « Prime Macron » pour faire
face à la crise. C’est l’occasion de revenir sur cette analyse du dispositif publiée dans la Lettre éco de
juillet-août 2020.
En décembre 2018, lors de sa réponse à la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron avait décidé de
permettre aux entreprises de verser une prime totalement défiscalisée et exonérée de cotisations
sociales jusqu’à 1 000 € aux salariés gagnant 3 Smic ou moins. L’Insee a sorti en juillet une étude1
pour faire le point sur l’impact de cette mesure.
Un versement différencié selon la taille de l’entreprise et le secteur
Les premiers enseignements de cette étude portent sur le recours effectif à cette prime. Au total,
400 000 établissements ont versé une prime à 4,8 millions de salariés pour un montant total de 2,2
milliards d’euros, soit en moyenne 401€ par salarié bénéficiaire. On peut relever un fort lien entre le
versement de la prime et la taille de l’entreprise. Ainsi, seules 17 % des entreprises de moins de 10
salariés ont versé cette prime. Cette proportion monte à 33 % pour les entreprises de 20 à 49 salariés
et à 58 % pour les entreprises de 1 000 salariés ou plus Concernant les secteurs, ce sont les salariés
des services financiers et assurances et ceux des matériels de transports qui ont le plus touché cette
prime. Elle a en effet concerné respectivement 31 % et 29 % des salariés de ces secteurs. À l’inverse,
concernant les salariés des services aux ménages et des services administratifs et de soutien, ils ne
sont que 7 % à avoir touché cette prime. Dans l’hébergement-restauration et l’informationcommunication, ils ne sont que 8 % et 9 % concernés.
Effet d’aubaine
Comme nous l’avons rappelé en introduction, cette prime était exonérée de toutes cotisations
sociales et patronales, l’occasion donc pour le patronat de contenter le pouvoir d’achat des salariés
à moindre coût pour l’entreprise. Bien que la législation rappelle que cette prime ne doit en aucun
cas se substituer à d’autres formes de rémunération, l’étude menée par l’Insee montre bien que pour
certaines entreprises ce fut le cas. L’Insee parle alors d’effet d’aubaine, dans la mesure où ces
entreprises auraient versé ces sommes aux salariés, même en l’absence de dispositif, avec une
différence tout de même: c’est qu’elles auraient été soumises à cotisations sociales. Selon la méthode
utilisée, l’Insee estime cet effet d’aubaine de 15 % à 40 %. Ainsi, l’étude démontre que dans certaines
entreprises, les salaires ont moins augmenté que s’il n’y avait pas eu de prime, preuve d’un effet de
substitution. Ce gain de pouvoir d’achat pour le salarié se traduit donc en fait par moins de droits
sociaux (chômage, retraite notamment) acquis que si ces sommes avaient été versés sous forme de
salaire.
L’effet d’aubaine est très peu présent pour les grandes entreprises. À l’inverse, c’est parmi les
entreprises de 250 à 999 salariés qu’il est le plus fort. Pour ce qui des secteurs, c’est dans les services
aux ménages, les activités scientifiques et techniques ainsi que le transport que l’effet d’aubaine est
le plus fort. Au contraire, l’effet d’aubaine est nul dans l’hébergement restauration et la construction.
Le manque de recettes pour la Sécu
Du côté des comptes de la Sécurité sociale, l’addition se chiffre tout de même à 400 millions d’euros.
Le gouvernement a en effet décidé de ne pas compenser ces exonérations de cotisations,
contrairement au principe de la loi Veil de 1994. Rappelons que cette prime a été prolongée en 2020.
Le constat de cet effet d’aubaine appuie nos revendications portant sur une augmentation du salaire
de base avant toute chose. L’explosion des modes de rémunérations aux dépens des financements
de la Sécurité sociale ne peut être un palliatif satisfaisant à un niveau général trop bas des salaires de
base.